[TRUE STORY] quelques projets où il aurait mieux valu passer plus de temps sur les phases d’analyse #caTourneMal

Je vais présenter ici trois échecs de projets dont les phases et de conception et d’analyse ont été négligées pour des raisons diverses ; sous-estimer les difficultés, sauter les phases de test, etc… 

Ces exemples à gros budget et aux lourdes conséquences nous font comprendre l’ampleur que de simple erreurs, facilement évitables, peuvent prendre. Ce sont des situations qui, placées à notre échelle, nous sont arrivé au moins une fois même dans notre vie de tous les jours.

Erreur N°1 : Ne pas impliquer les personnes concernées dans la phase d’analyse

Ne pas impliquer les personnes concernées dans la phase d'analyse

Le motif de non-camouflage de l’armée américaine.

Budget : 5 milliards de dollars. 

Si vous pensez détenir la meilleure solution à un projet, sans avoir consulté au préalable les utilisateurs finaux, vous vous trompez sûrement. 
Nous avons tous fait cette erreur ; estimer que nous connaissons suffisamment un domaine pour se passer de l’avis des principaux concernés.
La réalité vient vite se rappeler à nous lorsqu’une fois la production terminée et le produit final entre leurs mains, les caractéristiques ne correspondent pas du tout au besoin initial (que nous avons accessoirement perdu de vue entre temps…).

C’est ce qui s’est passé avec le projet de renouvellement du motif des tenues de camouflage de l’US Army. L’objectif était de développer un uniforme universel, adapté à tous environnements (forêt, désert, montage…). Une seule tenue pour toutes les opérations ! Moins de logistique et moins de coûts de fabrication, le projet sonne bien. 
Seulement avant de lancer la production, encore fallait-il tester le produit sur ses futurs utilisateurs : les soldats. 

Sur 22 motifs testés, il a été retenu, non pas le motif le plus efficace, mais le motif ressemblant le plus aux tenues des Marines. En effet, les Marines avaient adopté 2 ans auparavant un motif de camouflage pixelisé.

Soldat en Nouvelle Géorgie. Uniforme de 2005.
Soldat en Nouvelle Géorgie. Uniforme de 2005.
Photographe Erik S. Lesser/GettyImages

Cette fausse image de prestige a primé sur les besoins réels du projet. Le motif pixelisé est désastreux, les soldats sont très visibles dans le paysage, quel qu’il soit. 
Le projet est abandonné en 2012. Initié en 2003, les responsables ont persisté presque 10 ans dans une direction coûteuse et inefficace, tout cela parce qu’ils n’ont pas testé leur produit en situation réelle.

Erreur N°2 : Sous-estimer la complexité d’un projet

Sous-estimer la complexité d’un projet

Socrate, le système de réservation aérien pour les trains de la SNCF

Budget : 2,1 milliards de francs (≈ 32 millions d’euros)

Si vous pensez qu’un projet est simple, vous vous trompez sûrement.
Nous avons tous fait cette erreur, partir tête baissée dans une direction parce que ça a l’air évident et facile.
La réalité vient vite se rappeler à nous et l’on ne tarde pas à se faire submerger par tous les éléments auxquels nous n’avions pas pensé. Et on finit par se planter…

C’est ce qui s’est passé pour la SNCF en 1990 lorsque l’entreprise a voulu moderniser son système de réservation de billets. L’objectif était de pouvoir concurrencer l’avion, en rendant accessible les réservations des trains aux agences de voyages, qui ne proposaient à l’époque que des billets aériens.
L’idée de la SNCF a été de s’inspirer du système de réservation de la plus grosse compagnie aérienne du monde : American Airlines. C’est un logiciel basé sur SABRE, un système de gestion de réservation informatique.

logo sncf 1990
Logo SNCF 1992

Le raisonnement de base peut paraître bon, s’inspirer de la concurrence est toujours une bonne chose. Mais recopier la concurrence l’est beaucoup moins ! En effet, la SNCF a repris le logiciel sans l’adapter à leurs propres contraintes. Contraintes différentes de celle d’une compagnie aérienne : échange de billet, gestion des correspondances multiples, différence entre bus et train…
La gestion ferroviaire est plus complexe qu’un système aérien. Les contraintes et fonctionnalités n’ont pas été clairement identifiées dès le début et l’on s’est contenté d’une solution toute faite.
L’entreprise a perdu beaucoup d’argent et s’est vue complètement désorganisée. Les files d’attente aux guichets étaient interminables et certains trains circulaient à vide. L’image de la SNCF en pâtit encore aujourd’hui.

Le projet Socrate s’est terminé en 2003 remplacé aujourd’hui par RESARAIL. Là encore, il a fallu laisser couler l’eau sous les ponts pendant une dizaine d’années, bien que RESARAIL découle directement de Socrate (et en subit encore les erreurs premières !)

Erreur N°3 : Faire la sourde oreille face aux risques potentiels

Faire la sourde oreille face aux risques potentiels

L’aéroport inutilisé de l’île de St Hélène

Budget : 330 millions d’euros

Si vous pensez qu’un projet ne comporte aucun risque, vous vous trompez sûrement.
Nous avons tous fait cette erreur, ne pas voir au-delà des bénéfices et de la meilleure vision d’un projet.
La réalité vient vite se rappeler à nous lorsque même un simple courant d’air peut être un facteur de risque !

C’est ce qui s’est passé sur l’île de Saint Hélène.

Sainte-Hélène - La vallée du Tombeau
 Le Monde illustré, second semestre 1858
Sainte-Hélène – La vallée du Tombeau

Cette île montagneuse perdue au beau milieu de l’Atlantique à plus de 2 000 km des côtes d’Afrique du Sud. Cette même île où a été exilé Napoléon en 1815 car presque inaccessible. Encore sous l’autorité du Royaume-Unis, la couronne a décidé en 2005 d’y faire construire un aéroport et ainsi donner un coup de fouet au tourisme.
C’est alors que 10 ans plus tard, en 2015, les premiers vols d’essai ont lieu. Ils révélèrent des turbulences au sol rendant l’approche et l’atterrissage des avions périlleux. À cause de ces problèmes de sécurité, la date d’ouverture est reportée toujours un peu plus jusqu’en 2017. Aujourd’hui, l’aéroport ne compte que deux compagnies desservant l’île et le plus gros modèle d’avion pouvant atterrir sans risque ne dépasse pas 70 places. Pour les passagers, un seul vol Johannesburg-Saint-Hélène dessert l’île une fois par semaine.

Vue générale des installations en mai 2016
Vue générale des installations en mai 2016

Notons tout de même que, aujourd’hui, les citoyens peuvent être évacués de l’île rapidement vers les hôpitaux de Johannesburg lors de complications médicales.

Sources : 
Gérez vos projet – Les clés pour réussir étape par étape, Thibault PAIRIS
Systèmes d’information – Obstacles et succès, Laurent Bloch
https://fr.wikipedia.org/wiki/Socrate_(SNCF)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sabre_(informatique)
http://www.senat.fr/questions/base/1993/qSEQ930400027.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/A%C3%A9roport_de_Sainte-H%C3%A9l%C3%A8ne
http://sthelenaairport.com/

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